LA GRANDE CORDEE : GRIMPER LES PLUS HAUTS MONTS D'EUROPE AVEC L'AVE
Six Avéistes on the top of the Ben Nevis
Après quatre sommets atteints lors de randonnées estivales, les objectifs pour le Ben Nevis étaient des voies de neige et de glace. L’équipe était composée de Laurence, seule volontaire féminine à vouloir essayer la cascade de glace, de Bip-Bip, Christian, Joël, Tonio et moi-même.
Le samedi 24 février, nous décollons de Beauvais et la journée entière sera consacrée au voyage. Partis de Vincennes à 10h15 nous arrivons à Fort William vers 20h00.
Après quelques soucis de téléphone, j’arrive à joindre Anna Trafford. Elle travaille à la promotion des activités outdoor de la région et habite Fort William. Elle fait aussi partie d’un club d’escalade local que j’avais contacté par mail. Anna vient donc nous rendre visite. Suite à des problèmes de genou, elle n’est pas très chaude pour aller grimper au Ben Nevis le lendemain : il y a près de 4 heures de marche d’approche pour arriver au départ des voies. Elle nous parle d’un site qui s’appelle Aonach Mor qui est accessible en télécabine. De plus les voies sont plus courtes. Et comme un seul d’entre nous a eu l’occasion de toucher la glace cet hiver, cela sera très bien pour commencer.
Le lendemain matin vers 9h00 nous prenons le télécabine. Après, 45 minutes de marche sont encore nécessaire pour atteindre le sommet d’Aonach Mor. Là-haut, nous sommes dans le brouillard et nous n’apercevrons que très furtivement l’autre rive de la vallée. Nous descendons en rappel sur un champignon de neige et nous effectuons une traversée sous la barre rocheuse à la recherche de nos voies. Laurent et Christian portent leur choix sur Left twin (III, 4)* tandis qu’Antoine emmène Joël et Anna dans Right twin (II), et qu’avec Laurence nous gravissons Forgotten twin (II). Ce sont des couloirs de neige, (il y a juste un peu de glace dans Left twin), d’une longueur de 100 à 150m. Les deux cordées de deux sortent les premières, celle de trois est retardée par une cordée devant eux. Vers 14h00 avec Christian, nous voulons repartir faire une autre voie mais nous ne trouvons pas l’autre descente, juste de grosses fissures sur les corniches. Le brouillard étant toujours très dense, nous ne prenons pas le risque de sortir à la nuit et nous renonçons.
Pour retourner au parking, la descente se fait à la boussole, sur une bonne tourbe bien humide.
Ce fut une belle journée de remise en condition
Le lundi matin, départ vers 7h15 du gîte pour l’objectif de notre séjour : le Ben Nevis. Nous quittons le parking vers 8h00. Après quelques minutes d’un sentier plat et dur, nous attaquons la montée dans un chemin très boueux et pénible. Au bout d’une heure, nous atteignons le second parking, réservé aux guides et autres privilégiés. Le Ben Nevis est devant nous mais il nous faut encore une heure pour atteindre le petit refuge qui siège à son pied. Ce refuge est complet plusieurs mois à l’avance. Après une courte pause nous reprenons notre chemin vers le large couloir de neige appelé Observatory Gully. Une bonne demi heure plus tard nous chaussons enfin les crampons. Mais il nous faudra encore une heure pour atteindre le pied des voies.
Ainsi il est près de midi quand nos trois cordées attaquent leurs voies respectives.
Tonio et Joël partent dans Gardyloo Gully, une voie cotée III, 3. Ils seront les premiers sortis sur le plateau. Après le couloir de neige du départ, la voie se ressert. Au lieu du rocher coincé et du tunnel pour l’éviter, comme il était signalé dans le topo, ils devront bifurquer et grimper un dièdre un peu plus difficile que la cotation initiale.
Laurence et moi, nous sommes partis dans Good Friday climb II, 3. La première longueur se fait dans un couloir de neige facile. La deuxième se redresse avec un passage en glace à 75°. C’est la première vraie longueur en glace pour Laurence qui s’en sort bien même si la technique du plantage de piolet n’est pas encore parfaite. Nous dépassons une cordée d’écossais qui finiront dans une voie parallèle. Pour nous, la troisième longueur est en neige un peu plus raide que la première mais nous la gravissons sans difficulté. Avant la corniche sommitale, il faut passer une petite cheminée. Le passage est un peu délicat, on ne peut planter les piolets que dans les 20cm de large du fond de la cheminée, là où la neige est suffisamment dure. Les pieds glissent un peu sur la roche mais ça passe bien. La sortie dans la corniche a déjà été creusée. Vers 16h nous retrouvons la première cordée sur le plateau, devant la borne qui indique le sommet et la cabane refuge. Le temps est magnifique, les couleurs extraordinaires.
Tous les quatre nous attendons les deux derniers, qui n’arriveront que vers 18h. En attendant nous prenons quelques photos, espérant faire la photo du groupe au complet plus tard. Malheureusement, lorsque la dernière cordée arrive, la nuit commence à tomber et nous ne pouvons pas prendre d’autres photos.
Bip-Bip et Christian ont gravi Indicator wall III, 4. Leur voie n’était guère plus longue que les nôtres mais un peu plus dure. Un bombé en glace a posé quelques soucis à Christian, mais ils ont surtout été retardés par d’autres cordées qu’ils n’ont pas pu dépassé.
Tout le monde arrivé à bon port, nous remballons tout le matériel et attaquons sans tarder la descente. Descendre la nuit quand on ne connaît pas le chemin peut s’avérer dangereux et on ne veut pas prendre de risque inutile. Surtout que trois d’entre nous ont encore en mémoire leur chute de 15m dans les Ecrins lors de leur dernière descente nocturne.
On voit encore quelques cairns et plus bas lorsque la neige disparaît, nous retrouvons un chemin. Le reste de la descente se fera à la frontale. Pour éviter de remonter jusqu’au refuge nous coupons derrière des grimpeurs locaux à travers la tourbe, humide bien sure.
Nous retrouvons le gîte vers 22h00, épuisé par une longue mais belle journée.
Après ces efforts une journée de repos s’impose. Ca tombe bien : il pleut. Cela va durer deux jours pendant lesquels nous allons faire du tourisme. Au programme, visite de Ice factor, un centre de cascade de glace indoor. Mais c’est juste pour regarder, on n’a pas fait tout ce chemin pour grimper en salle. Bien entendu, nous faisons un saut à la distillerie et au château local. Nous en profitons pour goûter un délicieux haggis, la célèbre panse de brebis farci. Nous invitons aussi Anna à dîner et la remercions d’avoir partagé un bout de notre aventure écossaise avec nous.
Les conditions météo permettent de retourner sur le Ben. On ne se fait pas prier. Sauf Laurence, qui est souffrante et n’a pas dormi de la nuit. Tonio avec qui elle devait faire cordée se joindra donc aux deux Laurent.
La montée au Ben Nevis est un peu plus agréable, cette fois nous partons de la distillerie et le chemin est bien meilleur. Par contre l’approche est toujours aussi longue. Le décor a changé, la neige descend bien plus bas.
Joël et Christian partent pour Good Friday climb. C’est la première voie de montagne de Joël en premier de cordée. Il s’en sort très bien. La cheminée terminale a été comblée par la neige des derniers jours. Ce seront les deux premiers sortis.
Quant à nous, nous escaladons Green gully III, 4 (IV, 3 suivant les topos). Beaucoup de monde sur la montagne encore aujourd’hui. Deux cordées devant nous, la première bifurque à gauche peu après, nous retrouverons la seconde aux relais.
Je pars dans la première longueur, un mur de neige à 75°. Ce qui de loin semblait facile s’avère être un vrai piège. La neige est molle et complètement malaxée par les premières cordées. Je connais un petit moment d’émotion, tout comme mes camarades qui tiennent sur un relais fragile, lorsque mes deux piolets glissent ensemble sur 20 à 30cm. La descente s’arrête lorsque mes pieds trouvent un peu de neige dure. Je finis par passer, au prix d’un peu de sueur, il n’est pas possible de protéger le passage. Ensuite nous nous relayons avec Laurent pour prendre la tête de la cordée, Tonio aujourd’hui préfère se laisser conduire. Les conditions de neige resteront les mêmes avec un peu de glace dans le passage le plus raide, un mur de 20m à 80°. Le reste de la course oscille entre 60 et 75°. La cinquième et dernière longueur est une pente de neige qui se redresse pour passer la corniche. Je mettrais deux broches et refroidis par l’expérience du début, je passerais la corniche avec beaucoup de précautions. Sur le plateau, la neige est dure et le piolet se plante sans problème.
Réunis sur le plateau nous sommes dans un brouillard très dense. Nous croisons deux écossais qui nous disent avoir vu Joël et Christian. Nous les appelons avec le portable, ils sont un peu plus bas dans la descente. A l’aide du GPS nous les retrouvons quelques instants plus tard. Dans ces conditions de brouillard, sans véritable connaissance du terrain, le GPS est quasiment obligatoire.
Pendant la descente le soleil perçant à travers les nuages nous offrira une somptueuse lumière sur le loch en contrebas. Par contre, elle sera toujours aussi longue et pénible, Bip-Bip a mal au genou et Tonio des ampoules. Nous arriverons vers 21h00 au gîte, où Laurence nous attend. Elle va mieux mais a dormi toute la journée.
Le vendredi matin, personne n’a le courage de repartir sur le Ben Nevis, l’idée des quatre heures de marche d’approche et la fatigue de la veille nous en dissuade.
Nous allons donc visiter la ville d’Oban, un petit port de pêche bien sympathique. Après un plat de fruit de mer ou de saumon, un coup d’œil sur la réplique du Colisée qui trône sur la ville, nous allons voir le château le plus proche. C’est aussi une ruine. Joël en escalade les fondations rocheuses et en redescend un peu plus rapidement que prévu.
Le soir, pour conclure notre semaine écossaise, nous allons au festival du film de montagne. La salle est pleine et le programme intéressant. Ce sont les films primés au festival de Banff qui nous montrent quelques prouesses en vélo, en kayak, en alpinisme et escalade.
Le lendemain un coup de propre dans le gîte et c’est le temps du retour sur Prestwick pour prendre l’avion et rentrer à la maison.
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